Le lundi 26 novembre 1934, vers 20h35 une météorite est tombée dans un champ de la commune de Bettrechies, au lieu-dit les Sarts, à quelques dizaines de mètres seulement de la frontière belge. Le corps céleste a été découvert par Oscar Saussez, propriétaire du champ. Le trou en forme d’entonnoir faisait environ 80 cm de profondeur, et la masse principale de cette météorite à chondrite pesait 8425 grammes. Deux jours après l’impact, elle avait disparu. Une équipe du Muséum d’histoire naturelle royal de Belgique parviendra à récupérer sur place des morceaux de la météorite, mais pas le fragment principal. Quelques mois plus tard, il sera finalement restitué anonymement au laboratoire de géologie de l’Université de Lille par un groupe d’adolescents qui l’avait « emprunté » peu de temps après l’impact. En 1998, l’objet est à nouveau perdu avant d’être retrouvé un an plus tard dans une armoire d’un bureau de l’Université des Sciences et Techniques de Villeneuve-d’Ascq. Elle est aujourd’hui au muséum d’histoire naturelle de Lille. Gallica BnF, Société Géologique du Nord (1935) Page 5
La chute d’un aérolithe dans la région de Bavay. par René Marlière.
Le lundi 26 novembre 1934, vers 20 h.35, les populations des régions de Charleroi, Mons, Bavay, Maubeuge, ont été mises en émoi par un bruit comparable à celui d’une violente explosion, accompagné d’une vive lueur que la nuit rendait infiniment perceptible. On peut dire que toutes les personnes qui se trouvaient en dehors des habitations dans des espaces découverts ont perçu et la lueur et le bruit, ce dernier plus ou moins prolongé peut-être par des échos successifs. Je puis affirmer que, dans la région de Mons au moins, des enfants ont été pris de peur, ceux qui se trouvaient dehors entrant dans les maisons, ceux qui y étaient abrités s’enfuyant.
Plusieurs observateurs favorablement placés ont vu nettement une masse lumineuse (disque, boule, obus, etc.) décrivant une trajectoire très inclinée, parcourant le ciel dans le sens Est-Ouest et prenant la direction: de Bavay, a-t-on pu préciser aux environs de la frontière franco- belge.
De Liège, M. Léon Charrier me fait parvenir un témoignage très curieux et très objectif, absolument concordant avec tout ce que j’ai pu enregistrer jusqu’alors : « Lundi 26 courant, à 8 h. 40, en me promenant sur le quai St-Léonard à Liége, j’ai aperçu sur ma gauche, loin en avant dans le ciel nord, ciel hollandais certainement, un point lumineux qui filait à l’instar, des étoiles filantes. En moins de temps qu’il me faut, pour le dire, je me rendais compte qu’il s’agissait d’un autre corps. Ce point lumineux se traduisait en une tramée lumineuse qui me paraissait longue de 4 à 5 mètres, en forme de cône allongé. La queue en pointe et fine sur une certaine longueur gardait la lueur blanchâtre des étoiles ; le corps dont la base me semblait large de 40 à 50 cm et qui filait en avant était d’un rouge feu bordé de bleu. L’inclinaison n’était pas très forte… Il me semble, si le point d’atterrissage est aux environs de Maubeuge, que la trajectoire à travers la Belgique serait Turnhout-Maubeuge sans pouvoir préciser bien entendu. Je l’ai vu sur une grande longueur du trajet, ce qui a été parcouru en fort peu de temps, ce qui veut dire qu’il filait très vite et qu’il était très haut encore au moment où je l’ai aperçu ».Je bornerai ici l’exposé des observations faites le lundi 26 novembre 1934, le jour de la chute.
Le lendemain, les journaux locaux ont rapporté les faits de façons très concordantes quant à l’heure et aux phénomènes sonores et lumineux ; mais les commentaires ont été beaucoup plus divers : mystérieuse explosion d’un gazomètre, d’une poudrière, des usines de Tertre, d’un dépôt de munitions… ; coup de grisou dans un charbonnage…; chute d’un obus, d’une bombe, d’un avion, d’un aérolithe….
Devant l’évidence des faits, toutes ces hypothèses, sauf la dernière, furent vite abandonnées. En compagnie de M. J. Houzeau de Lehaie, président de la Société des naturalistes de Mons et du Borinage et avec le concours d’amateurs bénévoles, j’ai mené une enquête aussi rapidement que possible. J’ai été amené à me rendre à Bettrechies (en France, près de Bavay), au voisinage de la frontière française, où le bruit et la lueur ont été perçus par la population, notamment par les douaniers se trouvant en service le soir du 26 novembre.
Dans une prairie perdue au milieu d’une campagne dénudée, M. Saussez, agriculteur, aurait observé un trou inconnu auparavant ayant le « volume d’un seau », s’engageant obliquement dans le sol glaiseux jusqu’à une profondeur de 60 cm. environ, et au fond duquel était un corps grisâtre, d’aspect sphérique, qu’il n’a osé toucher. Aussitôt il a manifesté l’intention de faire part de sa trouvaille aux autorités ; il s’est rendu au village, et lorsqu’il est revenu quelques heures après…. le trou était là, encore tout frais, mais l’objet grisâtre avait disparu.
Que s’est-il passé ? Je n’en sais rien exactement. Les gendarmes sont venus sur les lieux et ont fait une enquête dont l’effet le plus clair fut de mécontenter une partie de la population et d’engendrer une crainte injustifiée. Le détenteur du « corps du délit » (s’il y a délit), qui ne nourrissait vraisemblablement aucune intention malhonnête, a eu peur du jugement public, des gendarmes, de la Justice.
En admettant que l’aérolithe soit effectivement tombé à Bettrechies dans la propriété de M. Saussez, et qu’il ait été enlevé par un inconnu, un dilemme reste posé : ou le détenteur tient l’objet soigneusement caché (et nous devons au nom de la Justice et de la Science, lui donner toutes facilités pour soulager sa conscience), ou il s’en est débarrassé, et notre attitude doit être toute de clémence et de gratitude s’il nous aide à retrouver le prétendu bolide.
Quoi qu’il en soit, je conclus en ces termes :
1°) Les phénomènes lumineux et sonores accompagnant habituellement la chute d’un aérolithe ont été enregistrés: entre Charleroi et Bavay, le 26 novembre, à 20 h. 35 environ.
2°) Un corps lumineux a été aperçu dans le ciel, parcourant une trajectoire peu inclinée, dirigée grossièrement Est-Ouest.
3°) Le point de chute de l’aérolithe serait aux environs de Bavay, vraisemblablement à Bettrechies.
4°) Aucun fragment authentique n’a été soumis à mon examen, jusqu’à présent.
5°) Etant donné les circonstances rappelées plus haut, je pense qu’il serait utile d’entreprendre de nouvelles recherches à Bettrechies et aux environs immédiats en assurant aux personnes qui aideraient à découvrir l’aérolithe récemment tombé : incognito, impunité, forte récompense.
6°) Pour souligner le caractère strictement scientifique de l’entreprise, j’aimerais que seul fût mis en cause un Institut scientifique du pays, par exemple le Laboratoire de géologie de l’Université de Lille, 23, rue Gosselet, à Lille.
En terminant, j’adresse de vifs remerciements à toutes les personnes et aux autorités qui m’ont aidé à recueillir des témoignages et des observations. J’ai la ferme conviction que « l’aérolithe de Bettrechies » sera un jour offert à leur contemplation..
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M. P. Pruvost fait la communication suivante : Présentation d’un aérolithe de la Collection du Musée Gosselet par R. Marlière et P. Pruvost.
M. P. Pruvost rappelle la communication de M. R. Marlière sur la chute d’un aérolithe dans la région de Bavai le 26 Novembre 1934 (1) et l’enquête faite par ce dernier sur les lieux de la chute. A la suite de cette communication et de la note publiée dans la presse locale, plusieurs gros morceaux ont été remis de façon anonyme, le 25 Janvier 1935 au Laboratoire de Géologie. Leur poids total dépasse 10 kilogr. Il s’agit d’une météorite du type sporadosidérite et du groupe magnésien, de la classification de M. Lacroix. M. P. Pruvost présente ces échantillons de la part de M. R. Marlière à la Société Géologique, avant qu’ils soient remis à M. A. Lacroix, professeur au Muséum, qui a bien voulu se charger d’en faire l’étude..
Le Président de la Société adresse ses félicitations à M. R. Marlière, grâce aux recherches duquel la majeure partie de cet échantillon a pu ainsi être retrouvée..