Le Chemin de fer à Bettrechies

Au début du 19ème siècle, le bavaisis est encore une région rurale où les déplacements se font à pied , à cheval ou dans des diligences inconfortables sur des routes remontant bien souvent à l’époque gallo-romaine. Autrefois, il y avait à Bettrechies, avant le pont de chemin de fer à gauche, une maison sur le mur duquel était apposée une plaque en fer avec la mention « Ici le cheval de renfort est autorisé », renfort qui permettait de monter plus facilement la côte. La maison a été abattue et cette plaque perdue. (Certainement pas pour tout le monde). Le chemin de fer est apparu tardivement dans le bavaisis en 1880 avec la ligne Maubeuge (Douzies)-Valenciennes. Puis, ce fut la ligne Cambrai-Roisin et la ligne d’intérêt local Bavay_Hon-Hergies-Bavay. Ainsi à partir de 1895, le village de Bettrechies était desservi par deux lignes de chemin de fer. (Voir carte ci-contre)

La première, constituant une véritable ligne internationale, reliait Cambrai à Roisin-Autreppe. La construction de cette ligne s’est faite en plusieurs étapes. Pour ce qui concerne notre canton du bavaisis, le tronçon Le Quesnoy-Bavay a été ouvert le 1er novembre 1881 alors que le tronçon Bavay-Roisin le fut le 20 août 1882 . Il empruntait une partie de la ligne Valenciennes-Maubeuge, (laquelle fut inaugurée le 9 février 1880 pour le tronçon Valenciennes-Bavay et le 6 septembre 1880 pour le tronçon Bavay-Maubeuge-Douzies). Cette partie de la gare de Louvignies-Bavay jusqu’ à Roisin-Autreppe mesurait 20 kilomètres er desservait Saint-Waast la Vallée, Bettrechies, Gussignies pour aboutir à Roisin en Belgique. Le point d’arrêt de Gussignies se trouvait à 200 mètres de la frontière. Il a donc fallu que soit signée, le 23 septembre 1877, une convention internationale entre la Belgique et la France, approuvée par une loi du 21 mars 1878, pour que le raccordement à ladite frontière puisse se faire. (Voir extraits du JO de l’époque)

Les travaux pour la création de la ligne furent réalisés par la « Compagnie des Chemins de Fer du Nord ». Seul Bettrechies disposait d’une gare, soit des installations pour assurer l’accueil, la montée et la descente des voyageurs, la sécurité générale, la réception et l’envoi de marchandises par wagons. De plus, la gare était un « garage actif » . Un train pouvait être garé et doublé par un autre. Saint Waast et Gussignies n’étaient que des points d’arrêt ( haltes) c’est à dire dépourvus de personnel et de bâtiments à usage de voyageurs ou de marchandises. Cet avantage pour Bettrechies donna lieu à quelques tensions entre les deux villages voisins de Bettrechies et de Gussignies. Le Comte Philippe de Moras qui avait été le Maire de Gussignies de 1867 à 1872 et dont l’épouse était propriétaire de la marbrerie du Château dite « la Grande Usine », et des industriels locaux souhaitaient que le village fût érigé en gare. Ce qui ne fut pas le choix de la Compagnie. Le 10 février 1882, le Conseil Municipal de Gussignies s’éleva avec véhémence contre la décision ayant attribué la gare à Bettrechies. «  Il est bien fâcheux qu’une gare n’ait pas été établie à Gussignies qui présente des ressources considérables. En effet, deux industriels ont déjà fait des demandes de raccordement à la voie mais ils ne sont pas les seuls intéressés . D’autres petits industriels sont comme eux en souffrance. Ils attendent des facilités de transport pour étendre leurs exploitations ». (Recueil des délibérations du CM de Gussignies)Le choix de Bettrechies peut s’expliquer par l’existence, sur le tracé de la voie d’une carrière ( l’ancêtre de la SECAB actuelle) qui à l’époque produisait de la chaux et du ciment et qui était fortement dépendante des moyens de transport pour assurer son développement. Il y a aussi probablement une autre raison. Bettrechies était le siège d’une importante brigade de Douanes. Et les contrôles des voyageurs pouvaient ainsi se faire à partir de Bettrechies.

En 1908, pour le voyageur partant de Cambrai à 3 heures 32, l’arrivée à Bettrechies était prévue à 6 heures 16 pour 58 Km, soit près de trois heures. (voir Horaires de 1908)

La ligne Cambrai Roisin : horaires 1908
La gare de Bettrechies-Bellignies

Le service voyageur qui avait été interrompu pendant la première guerre mondiale le fut définitivement en 1939 et les rails furent démontés à cette époque entre Bettrechies et la frontière.Le tronçon Bettrechies-frontière belge fit l’objet d’une mesure de déclassement le 12 novembre 1954. Le service marchandise entre Bettrechies et Bavay cessa le 7 mars 1969.

Le 5 août 1895, s’ouvrait une ligne en forme de boucle et dite « d’intérêt local » exploitée à l’origine par la « Compagnie de Chemin de Fer de Bettrechies à Hon et Bavay », et ensuite par la « Compagnie des voies ferrées d’intérêt local ». Partant de la gare de Bavay-Louvignies, (sur l’axe ferré Valenciennes-Maubeuge), la ligne passait par Bettrechies puis quittant la voie conduisant à Roisin, arrivait à Bellignies, puis Houdain, Hon-Hergies et Bavay annexe (en face de l’ancienne gendarmerie ). A partir d’Houdain, un embranchement desservait les carrières de Hon- Hergies. La longueur totale des deux lignes avoisinait les onze kilomètres.

Ligne Bettrechies, Hon, Bavay : horaires 1908

Subsista le tronçon Bettrechies-Bavay dans le cadre d’une «Installation terminale embranchée » (ITE) utilisée pour ses besoins par la SECAB. Le dernier train a quitté le site en 2010 et Réseau Ferrés de France a déclassé la ligne, invoquant des raisons de sécurité (ouvrages d’art vieillissants et passages à niveau) contre le souhait de l’entreprise locale. (La photo ci-dessous représente la loco circulant dans le site de la SECAB, pour assurer la formation des trains en vue de leur acheminement vers les clients. Elle était conduite par Jean Pierre Debiéve (l’époux d’Emilienne qui fut conseillère municipale à Bettrechies. Tous deux sont hélas décédés.)

La loco de Jean Pierre

Ces lignes avec celle reliant Valenciennes à Maubeuge ont permis le développement économique du bavaisis et en particulier celui des activités d’extraction de pierre bleue de Bettrechies et des marbreries de la vallée du marbre. Des installations ferroviaires, bien souvent, il ne reste malheureusement que l’abandon.

Daniel DELFOSSE

Janvier 2023

Sources :

  • Une famille. Un château. Une Industrie
  • A Gussignies au 19éme siècle
  • Jacques Antoine de Witte
  • Gallica (BNF) Recueil de lois de la
  • République Française
  • Compagnie des Chemin de fer du Nord
  • Compagnie de Chemins de Fer
  • Bettrechies Hon Bavay
  • Sébastien Frégans  (SECAB Bellignies)